mercredi 25 mars 2009

Rires péruviens




La rue gronde et les politiques répondent d'une manière on ne peut plus originale à la récente crise financière qui mute douloureusement en crise économique. À cette crise, née de l'endettement aveugle du consommateur américain, pendant des années au centre de l'économie mondiale, les grands de ce monde répondent par une diarrhée de dollars distribués à en veux tu, en voilà. Toutes les capitales du monde industrialisé vomissent leur devises et leur promesses. Tandis que les présidents professent l'avènement d'un nouveau capitalisme, les ménages occidentaux s'enivrent de discours et de millions annoncés en prime time.
Ainsi l'année 2009 sera celle du retour de l'Etat en puissance, d'une magnificence louis-quatorzienne et d'une forme de pragmatisme aux arrières-goûts colbertistes.


Le péruvien qui écrit ne peut qu'être surpris et amusé par l'intelligence de l'homme blanc. Naguère, lorsqu'une crise frappait un pays, le plus souvent aux environs du tropique du cancer et du capricorne, une batterie d'économistes affrétés par le Fond Monétaire International (FMI) et par la Banque Mondiale (BM) débarquaient avec des cadeaux par milliers et surtout une recette simple à appliquer, le « consensus de Washington ». Cette expression de l'économiste de l'école de Chicago, John Williamson, suppose une discipline budgétaire sans concessions (parfois accompagné d'une hausse des impôts), une réduction des dépenses -sociales ou non-, de contrôler l'inflation avec des taux d'intérêts prohibitifs -et tant pis pour le pouvoir d'achat-, d'encourager l'épargne par le biais de différents mécanismes, d'ouvrir les marchés à la concurrence internationale, de privatiser les entreprises publiques pour refluer les caisses et dynamiser l'économie -l'État étant considéré idéologiquement comme un mauvais agent économique.

Les gâteau pouvait être délicieux, mais les ingrédients semblaient amers. Le peuple n'aime l'austérité et il s'est tourné plus d'une fois vers des candidats populistes bien plus sympathiques avec des sacs de riz et des bananes. Le sang, l'effort, les larmes et la sueur n'étaient jamais au goût des impérieux désirs de l'électeur et des systèmes démocratiques.
Le FMI et la BM mettent fin à l'ère des orgies économiques pendant lesquelles les obligations étaient financées par l'endettement et la planche à billets laissait vivre des peuples entiers dans des mirages suicidaires.

Dans la crise sinistre -cette adjectif est réservé aux crises américaines ou européennes- de la fin des années 2000, les brillants économistes blancs ont oublié les leçons professées aux ingrats et incivilisés hommes du sud. La puissance des encéphales de l'hémisphère nord veut répondre à une crise causée par l'endettement irresponsable des particuliers par l'endettement irresponsable de l'État.

Pendant tout ce temps un petit village inca d'un peu moins de 30 millions d'âmes, regarde, perplexe, ces conquistadors, jadis dieux immaculés et autosuffisants.
L'histoire économique du Pérou est parsemée de squelettes de vaches endémiques et une ou deux vaches grasses. La dictature de Fujimori impose, au grand dam de la population exsangue -au sens propre comme au figuré- un libéralisme tyran. Dans un pays pauvre, la pauvreté progresse. Alejandro Toledo et son principal ministre Pe
dro Pablo Kuczynski, diplômés d'Harvard et de Oxford puis Princeton respectivement, poursuivent par des moyens démocratiques les politiques de rigueur et l'économie commence à croître. En 2006, l'ancien populiste, artisan de la crise économique de la fin des années 80, Alan Garcia, reconverti au social-libéralisme, continue cette politique qui commence à porter ses fruits. Alan Garcia gère aujourd'hui une économie stable, avec la croissance la plus importante d'Amérique latine (9% en 2008) et sera en 2009 avec la Chine et l'Inde l'économie émergente avec la plus forte croissance d'après le FMI et avec l'une des inflations les plus basses du continent américain.

Aujourd'hui l'économie péruvienne , petite fourmi, savoure les joies du succès en ces temps d'hiver. Mais la cuivrée race péruvienne a pleuré des larmes de sang et le chemin de l'abondance est long et sera encore long. Les économies industrialisées ont fait le choix de la facilité populiste, des réponses qui hypothèquent le futur des prochaines générations. Les souffrances de l'austérité sont moins dures à supporter dans l'altiplano, les vies ont moins de valeur dans les lointaines montagnes incas. Ainsi sont les hommes.



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