mardi 22 avril 2008

Les mains de Fatoumata

Aeropuerto Internacional Jorge Chávez. Lima, Peru. Elle dit au revoir à ses filles avant d'embarquer dans le Boeing de TACA Airlines qui la conduira vers le Costa-Rica. Ne vous inquiétez « hijitas », je reviendrai. Rien ne la déchire plus que devoir mentir, car elle n'est pas sure de pouvoir revenir. Je fais ça pour leur future, pour leur « porvenir ». Cette voix résonne dans sa tête. Pour leur bien. Elle résonne dans ses entrailles. Pour qu’elles ne soient pas obligées de nettoyer la merde des autres comme moi. Cela résonne dans son cœur. Elle devra aller au Costa-Rica, puis aller par la route au Mexique. Une fois au Mexique passer dans le désert près de la frontière, payer de gardes, passer des barbelées, soigner ses blessures, trouver l'énergie et la foi pour continuer dans son odyssée pour arriver dans son paradis gringo.
C'est l'histoire de la marraine de ma sœur. C'est une amie d'enfance de ma mère qui après avoir tout perdu pendant la dictature de Fujimori s'est vue obligée de trouver hors des frontières nationales un moyen de payer des études à ses filles, pouvoir leur assurer une adolescence normale, pouvoir leur donner à manger. Aujourd'hui quelques années après cette femme vit dans un petit appartement quelque part en Caroline du Sud, elle se lève tous les jours avant que le soleil se lève puis se couche bien après que l'astre roi se soit couché. Ironie de l'histoire : elle garde des enfants pour pouvoir payer des études à ses enfants. Elle envoie régulièrement de l'argent à ses filles par le biais d'entreprises comme Money Gram ou Western Union.
C'est l'histoire de beaucoup de mes compatriotes, en réalité de beaucoup de gens de par le monde. Qui quittent avec un courage incomparable les faubourgs de Manille, Lagos, ou San Salvador pour traverser les mers et tout obstacle qui leur sera présenté. Y compris toutes les politiques que nos héros occidentaux, Bush et autres Sarkozy accompagné des leurs cerbère tel un certain ministre Hortefeux. Rendons nous à l'évidence, les migrants continueront d'arriver au port de Marseille, aux côtes espagnoles et traverseront au péril de leur vie les barrières de Tijuana. Pour la simple est bonne raison que les obstacles qu'ils soient d'ordre physique, administratif ou génétique (pour coller à l'actualité), ne seront jamais assez dissuasifs pour contrebalancer les raisons qui les poussent à partir. Parce que si ces gens sont démunis ce n'est pas pour autant qu'ils sont stupides. S'ils viennent, c'est qu'ils savent qu'il vont trouver du travail. S'ils viennent, c'est qu'ils savent que l'occident a besoin d'eux pour nettoyer ses maison, pour cultiver ses légumes, pour promener ses chiens, pour construire ses immeubles.
Les arguments humanistes et altruistes ne font pas le poids et la solidarité -gratuite et désintéressée- humaine est un songe. C'est une chimère que de croire que l'homme porte un quelconque compassion pour la misère de ses semblables. Les immigrants continueront d'arriver, de grossir nos banlieues tant que la faim chronique continuera de faire ravage dans leur pays.
Nous devons comprendre que si ces hommes et ces femmes font des centaines de kilomètres depuis le Honduras, le Gabon ou le Bangladesh c'est pour travailler. En effet, il n'y a pas deux façon de pouvoir rentabiliser le traumatisme que suppose quitter son pays dans le seul but d'assurer un meilleur futur aux siens. Ils ont un but, gagner leur vie. Donner à manger à leur familles. Il est plus que vital pour eux de participer à l'économie de nos pays. L'historien J. P. Taylor signale que la Révolution industrielle qui a fait l'hégémonie de l'Angleterre n'aurai pu être possible sans la politique d'ouverture des frontière pratiquée par ce pays, où chacun quelque soit son lieu de naissance pouvait travailler avec comme seul obligation de respecter la loi. Il en va de même pour l'Argentine, le Venezuela, le Canada et bien sur les États-Unis.
L'argent envoyé par ces personnes et souvent la deuxième ou la troisième rentrée de devises pour ces pays. Ces migrants participent à l'économie de leur nation, pour que la jeunesse ne soit pas obligée de partir de ses terres.
Ce sont les mains ridées, parsemées de durillons des Fatoumata, qui font notre croissance et la leur. Qui font notre future et aide à entrevoir le leur. En définitive j'ai un profond respect pour les mains de Fatoumata.

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