mardi 9 novembre 2010

La première pierre






La vie importait peu. Il pensait. Il n'avait pas vraiment conscience d'être assis. Il sentait ses ses mains sales, un peu à cause de la sueur, un peu à cause de la crasse, mais plus surement à cause du sang. Il essuya ses mains sur son jean. La pesanteur du silence l'empêchait de respirer. Il aurait voulu avoir de la musique. Pour l'instant il ne s'en rendait pas compte mais sa respiration était excessivement forte, comme celle d'un homme.

Les murs blancs n'étaient pas immaculés. L'odeur n'était pas agréable. Il pense. La corruption de l'esprit est la conséquence tragique mais évidente de la décadence scandaleuse de ce système de choses. La voix porcine de sa mère carillonnait en lui.


Elle pense. Mais, à quoi il pense? Il a l'air tellement con, comme ça. Tellement plat. Connard! Tu m'écoeures! Connard!


Elle était allongée, passive et virginale, sur ce lit quelconque, qui correspondait à la décoration de cette chambre d'ami impersonnelle, sous le regard inquiet et triste de quelqu'un qui l'aimait du haut de sa croix.


Il aurait voulu la regarder dans les yeux, voire lui parler, mais par souci de bienséance il aurait été incapable de faire cet affront à son amour propre, ce viol au mépris d'autrui. Ce fils de pute n'ose même pas me parler. Il regardait par la fenêtre ce jardin qui paraissait aujourd'hui plus petit. Connard!


En posant sa main sur la poignée de la porte le silence et la pénitence éclatèrent. La porte ouverte, la pudeur de la pénombre fut inondée par une marée de lumière qui semblait émaner de la silhouette pachydermique de sa mère.


Paul. Son prénom porté par la voix de sa mère explosait dans ses oreilles.


« Paul, tu peux venir? Ton père a à te parler »


Cette femme grande, charnue, caséeuse, déversait tout son mépris provincial et fondamentaliste dans le ton de sa voix, que son fils n'entendait plus, dans son regard, que son fils ne pouvait plus soutenir.


La porte se renferma laissant la pesanteur du silence se réinstaller. Et le corps de cette femme, vidé de grâce, transie de crainte, de ressentiment et de douleur pensait au fruit maudit de son ventre. Les affres de culpabilité et du désespoir s'emparèrent d'elle lors de l'évacuation de son péché de chaire par son con ensanglanté.













Crédit Image : Le premier enfantement, Florence Marceau, florontheweb.canalblog.com