dimanche 24 avril 2011

La faim et la rancoeur

La faim et la rancoeur enflammaient la rue, reprenant leur fonction la plus légitime, la plus sublime, la plus naturelle. Les soldats de la banlieue luttaient contre une France narcissique qui ne supportait de voir ses adolescents croire en d'autres idoles de pierre. II s'agissait du dernier cri du noyé, muet et incompréhensible, pourtant le Pouvoir, roi des rois, matait le cri de la jeunesse exsangue comme un mouvements périphérique vulgaire et dissident, comme une jacquerie, comme une foule délirante et incontrôlable. Le pouvoir peut être si stupide et si sourd aux cris de nos dix-sept ans. Ce n'est pas contre la loi que s'insurge le peuple, mais contre le mépris.


L'art est toujours concomitant des mouvements sociaux, des battements de coeur de la cité. Il est une façon de comprendre le liens sociaux, ou la carence de ceux-ci.


Le rap n'était sûrement pas le salut, mais, il n'est pas improbable qu'il ait été une forme d'exprimer des inquiétudes. Et, somme toute, il est d'une insondable tristesse que le monde ait traité avec aussi peu de respect la désespérance souterraine d'une génération.


samedi 18 décembre 2010

Notes & notes








« ‎La infidelidad a veces no tiene nada que ver con el sexo. Se trata de establecer intimidad con otra persona, pero la intimidad puede ser secreta y el secreto requiere mentiras para proteger la intimidad y el secreto a veces se llama "sexo" » Carlos Fuentes, Los Años Con Laura


« Le simple fait d'errer dans le désert n'implique pas l'existence de la Terre promise » Paul Auster, L'invention de la solitude


« Il est impossible, je m'en rends compte, de pénétrer la solitude d'autrui » Paul Auster, L'invention de la solitude


« L'absence qui les définissait devint une présence qui les définissait », Jonathan Safran Foer, Tout est illuminé


« Cada uno nacía de esa flora humana para cumplir un horario estricto y desaparecer, sin memoria, sin posibilidad de resurrección. » Carlos Fuentes, La región mas transparente


« La fe en algo que cambia de aspecto cada día les dará grandes y terribles decepciones. Ustedes saben lo que aborrecen. Nada mas. Y por saberlo ponen su confianza, sus esperanzas, en cualquier otra cosa. » Alejo Carpentier, El siglo de las luces


« On devient drogué parce qu'on n'a pas de fortes motivations dans une autre direction. La came l'emporte par défaut » William S. Burroughs, Junky


« Je ne savais pas alors ce que c'était la timidité, cette souffrance intérieure qui nous poursuit jusqu'à l'âge le plus avancé, qui refoule sur notre coeur les impressions les plus profondes, qui glace nos paroles, qui dénature dans notre bouche ce que nous essayons de dire, et ne nous permet de nous exprimer que par des mots vagues ou une ironie plus ou moins amère, comme si nous voulions nous venger sur nos sentiments mêmes de la douleur que nous éprouvons à ne pouvoir les faire connaître. » Benjamin Constant, Adolphe


« Il faut un grand degré de corruption ou un coeur bien vaste pour tout aimer » Gustave Flaubert, Novembre


« Croire qu'il y a des objets spécifiques du désir sexuel et que ces objets sont les femmes, parce qu'elles ont un trou entre les jambes c'est l'hideuse et volontaire erreur des assis » Jean-Paul Sartre, L'enfance d'un chef


Crédit Image : Jean-François Rauzier, www.rauzier-hyperphoto.com

mardi 9 novembre 2010

La première pierre






La vie importait peu. Il pensait. Il n'avait pas vraiment conscience d'être assis. Il sentait ses ses mains sales, un peu à cause de la sueur, un peu à cause de la crasse, mais plus surement à cause du sang. Il essuya ses mains sur son jean. La pesanteur du silence l'empêchait de respirer. Il aurait voulu avoir de la musique. Pour l'instant il ne s'en rendait pas compte mais sa respiration était excessivement forte, comme celle d'un homme.

Les murs blancs n'étaient pas immaculés. L'odeur n'était pas agréable. Il pense. La corruption de l'esprit est la conséquence tragique mais évidente de la décadence scandaleuse de ce système de choses. La voix porcine de sa mère carillonnait en lui.


Elle pense. Mais, à quoi il pense? Il a l'air tellement con, comme ça. Tellement plat. Connard! Tu m'écoeures! Connard!


Elle était allongée, passive et virginale, sur ce lit quelconque, qui correspondait à la décoration de cette chambre d'ami impersonnelle, sous le regard inquiet et triste de quelqu'un qui l'aimait du haut de sa croix.


Il aurait voulu la regarder dans les yeux, voire lui parler, mais par souci de bienséance il aurait été incapable de faire cet affront à son amour propre, ce viol au mépris d'autrui. Ce fils de pute n'ose même pas me parler. Il regardait par la fenêtre ce jardin qui paraissait aujourd'hui plus petit. Connard!


En posant sa main sur la poignée de la porte le silence et la pénitence éclatèrent. La porte ouverte, la pudeur de la pénombre fut inondée par une marée de lumière qui semblait émaner de la silhouette pachydermique de sa mère.


Paul. Son prénom porté par la voix de sa mère explosait dans ses oreilles.


« Paul, tu peux venir? Ton père a à te parler »


Cette femme grande, charnue, caséeuse, déversait tout son mépris provincial et fondamentaliste dans le ton de sa voix, que son fils n'entendait plus, dans son regard, que son fils ne pouvait plus soutenir.


La porte se renferma laissant la pesanteur du silence se réinstaller. Et le corps de cette femme, vidé de grâce, transie de crainte, de ressentiment et de douleur pensait au fruit maudit de son ventre. Les affres de culpabilité et du désespoir s'emparèrent d'elle lors de l'évacuation de son péché de chaire par son con ensanglanté.













Crédit Image : Le premier enfantement, Florence Marceau, florontheweb.canalblog.com

jeudi 28 octobre 2010

OUAIS, OUAIS








J'ai bu quelques verres. Il y avait deux de mes amis, et des amis.

Avant, j'avais rendez-vous avec Arthur et Solal à 21 h à la Motte piquet, on est passé par une épicerie. On prend du Gin et du Schweppes? Non mec je me suis mis une race au Gin il y a un mois, j'en peux plus. T'as des clopes, mec? Ouais, ouais. Je vais prendre un truc à manger aussi. Sinon, on prend de la vodka ça plait à tout le monde. Tu fumes des lucky, maintenant? Ouais, ouais. Prends ces bières elles sont moins chères. Passe moi ton briquet, s'te plait. On prend un truc en plus? Pas ces bières elles sont dégueulasses! Non, c'est bon on a pris assez de trucs. J'ai perdu mon feu à une soirée il y a une semaine. Ok. Je vais payer en carte bleu, s'il vous plait. Ouais, ouais. Ça fait 21 euros et 60 centime. Un sac?. Non merci. Merci, bonne soirée. Attends, je fume une clope en allant au métro.


On a pris la ligne dix jusqu'à jussieu. Ils ont pris la ligne 7 jusqu'à Maison Blanche. L'appartement était pas très loin de la bouche de métro. T'as le code? Non, appelle Mina. Ok. C'était un immeuble sans charme, assez anonyme, pierre, brique, peut-être du bois ou du verre. Quelque chose de construit ne pas pour y vivre, mais pour dormir. L'érection de cette masse n'avait d'autre sens que de répondre aux besoins basique d'un individu. Je ne sais pas. La rue n'était pas très grande. B2503. Ils sont rentrés, ont quitté la rue blanche pour pénétrer dans l'immeuble, dans sa cour. On prend l'ascenseur? Non, non, c'est premier.


Bonjour, ça va? et, toi? ouais. Il y avait déjà quelques personnes. je te présente Solal et Arthur. ça va les mecs? ils y avait surtout des filles. l'une d'entre elles avait une jupe assez vulgaire. deux garçons discutaient près de la fenêtre. mec, ça fait super longtemps que je t'ai pas vu. ça va? Moi , c'est Patricia. ah cool. t'as des verres. t'es un pote de Romain? Tu vis où sur Paris. Ouais, il y a des gobelets là-bas, sur la table. Il y avait deux mecs sales assis sur le clic-clac. Tu fais quoi comme étude. ouais. Les deux mecs sales parlaient à une fille assez quelconque -cheveux brun, yeux marron, uniformée en prêt-à-porter. J'ai pris une poignée de chips. ouais. J'adore ton sac! Je me suis servi un verre de vodka. j'en ai mis un peu à côté. Des personnes continuaient arriver, me regardaient, parlaient, me vomissaient leur jeunesse, leur ignorance impuissante. Tu l'as acheté où? j'ai regardé les gens. J'ai souri à une fille. Elle m'a pas vu. J'ai pris une deuxième gorgée. je l'ai trouvé dans une friperie. Non, non, je la connais pas. Je suis venu avec un pote. Qui ça? Et tu fais quoi dans la vie? Ah c'est pas mal. Ouais. J'ai pris une bière et j'ai allumé une clope. Ouais, ouais. Salut. Excuse-moi t'as du feu? Non, désolé. Solal, t'étais où?


"-Je parlais avec la fille là-bas. Elle est cool

-Elle a l'air idiote. T'as pas vu Arthur? on se casse d'ici!"


j'ai parlé avec une fille. vous connaissais Mina du lycée? j'ai ouvert une autre bière. j'ai fumé une autre cigarette. et toi? ouais, ouais. j'ai parlé à deux autre garçons. T'as une cigarette s'te plait. un mec ployait une fille dans le coin à côté de la fenêtre. Son ébriété était aussi infâme que sa tentative de glisser sa main sous la jupe de la fille était évidente; et il lui prenait le cul à pleine main. je suis en éco-gé. ok. ouais, ouais. ça m'a fait bander de voir le mec toucher la fille comme ça. J'ai pris un autre verre de rhum. ouais, ouais. J'adore cette chanson. j'étais en Turquie cet été! ah c'est pour ça! ouais, ouais. j'ai retrouvé un moment Solal et Arthur qui étaient avec deux mecs. Tu viens d'où dans le XVI? ouais, je crois t'avoir vu. ouais ouais. le rhum était dégueulasse. j'ai trouvé un verre à côté d'une chaise et je l'ai lavé. Je me suis servi un peu de vin blanc. T'as une garrot? Foule insouciante et stupide ne me parlait pas. J'adore tes cheveux! donc toi t'es en fac avec Camille et Nico? ouais, ouais. je suis allé les voir en concert à Bastille. Ouais, donc moi j'habite juste à côté du café. ouais, ouais. on roule un splif les mecs?


On sorti pour fumer le joint. J'ai insisté pour partir. Non, les mecs je suis pas trop dans l'ambiance. Ok. Ouais. ouais. On fait quoi?


On est allé dans un bar, un bistrot. Je ne sais pas très bien comment cet endroit s'appelait. Arthur a pris un bière, moi aussi. Et Solal n'a rien pris.

Un étrange silence s'était installé, leur lèvres restaient entrouvertes. Les regards bovins fixaient des objets sans importance (une bière, un verre vide, un poster, Arthur, Solal, Moi). On aurait dû rester, mec.






Crédit image : Ojoz, http://ojoz.org


samedi 20 mars 2010

Christus patiens, Christus triumphans











On dit que la vertu de la musique est

qu'on peut accorder les impressions qu'elle procure

au diapason de n'importe quel état d'âme.

Fédor Dostoïevski




Tout ce qu'il restait c'était du silence. Finalement la rue mourrait ici, même cet ensemble de béton et d'âmes esseulées et perdues était mortel. Ou presque. Il restait toujours des étincelles, en trompe l'oeil pour vendre l'illusion au touriste et au forain « qu'il nous resterait toujours Paris ».

C'était donc à 4 a.m. qu'ils ont roulé le septième pilon. Ils avaient pas mal pé-cho ces derniers temps, les sous rentraient assez régulièrement. Ils étaient pas trop à sec. Ils ont pris des feuilles slim OCB, déboyauté une cigarette, fait un petit cylindre en carton et ont, finalement, donné forme et vie au stick. Leurs yeux écarlates admiraient le joint, fin et ferme. Il y avait quelque chose de merveilleusement phallique dans sa forme. Il ont té-cla.

Cinq étages plus bas une voiture traçait vers le nord; mais la place restait vide, sourde et muette. Cependant, cinq étages plus haut, trois garçons sur un balcon mettaient le feu au pet'. Ils coloriaient leur ennuie. Ils avaient passé l'âge de croire aux dieux dont on leur avait pas inculqué la croyance, ou alors ils les avaient oublié. Ce n'était pas non plus la jeunesse désabusée que les hommes télévisuels prototypiques aiment tant crucifier pour avoir refusé -dogmatiquement certes- leur vérités, leurs canons.

Ils se laissent flotter, s'intéressent à ce qu'ils ne peuvent pas encore théoriser, objectiver, cataloguer, mettre dans une petite boite avec un autocollant sur le devant. Ils ne faisaient ça que par l'amour du geste, en s'organisant de telle sorte à pouvoir FAIRE le geste, l'action étant tout aussi importante que le fruit du geste lui même. Je suis fonsdé, mec. Leur différentes expressions artistiques n'étaient en somme que les voix abruptes et inharmonieuses de la même intuition. Ouais, elle met bien cette weed.


Chapitre premier


L'histoire commence ici, sing my song, puff all night long.




Crédit image : Velázquez, Museo del Prado

mardi 9 février 2010

Eux, la terre de la lamentation




Hors de tous les contextes , hors des sentiments, des nostalgies ou des chagrins, loin de toute passion et de tout amour, dans une terre martienne, sans vents, sans pleurs, sans chants, sans âmes, sauf celles de la désolation, le soleil meurt continuellement, laissant une mer en ébullition permanente. Entre ces sables et ces monts existe un peuple de moribonds. Un peuple sale et sans dignité, petit et désargenté. Sans éclat, sans voix, nu de toute humanité. Il y avait cet homme; cheveux noirs, yeux noirs. Et sa peau cuivrée et terreuse recouvrait son hémisphérique ventre mouillé qui se jetait sur ces pattes courtes et grosses. Il y avait cet femme; ses cheveux couleur brai et ses yeux colophane, muette et aveugle. Un kilomètre plus loin une autre était ronde et grasse; un buisson de cheveux agonisants se dressait au-dessus de sa tête. Son regard inintelligent et passif fixait la mer verte, marron et merde dont l'écume, son foutre impuissant, se jetait sur les rivages de cette terre ingrate. Un homme plus bleu que nègre; de ses cheveux crépus pendaient des branches et des capsules de bière.

Ils étaient des millions, tous infâmes, tous sentaient l'oignon et le sel, tous nains, tous juifs, tous sodomites, tous nègres, tous putains. Ils se tenaient par la main. Ils enfonçaient leur orteils monstrueux dans le sable ardent de leur plage. Les montagnes, joviennes, méprisaient leur dos. L'astre roi les foutait furieusement. Eux, la multitude affamée et silencieuse implorait la mer arrogante et fiévreuse.

C'était la terre de la lamentation, et Eux les bâtards de la misère et l'océan.









Crédit Image : Françoise Nielly, www.francoise-nielly.com

Larmes de Crocodile





Les terres émergées sont recouvertes en grande partie de faim, de crasse, de larmes et de désespoir. La vérité du monde est qu'il est un océan de pauvres.

Les haïtiens, pauvres parmi les pauvres, nègres parmi les nègres, damnés parmi damnés ont été traités avec empire par cette Terre jovienne, impérieuse et indolente. La toute-puissance de la Terre nous ramène à cette condition, toujours humiliante, d'hommes désarmés, de mortels face aux dieux. Sans doute, cette condition de faiblesse et d'impuissance face aux caprices de Gaia nous rend, aussi, plus attentifs aux malheurs de ceux qui partage nos traits . Ainsi, l'opinion publique des pays riches, découvre le 12 janvier dernier avec une tristesse, qu'il conviendrait de voir comme sincère, les ravages causés par le tremblement de terre à extrémité occidentale d'Hispaniola. C'est, en effet, ce seul facteur de l'opinion de la bienpensante classe moyenne des pays qui sont, que l'on veuille ou non, les maître des monde, qui décide du malheur d'autrui. La hiérarchie des faims, le degré de l'infamie, le calcul des larmes, la somme totale de tristesse, l'importance de l'horreur forain sont toujours laissés aux soins des jugent téléspectateurs.

Le comportement d'un être normalement constitué face aux désastres qui touchent de manière naturelle les hommes est assez fortement prévisible. Néanmoins, le nombre et la force des vagues de cet océan de misère qui entourent les nantis de cette île industrielle, obligent ces derniers à être volages en solidarité, indisciplinés en compassion.

Les voix politiques sont d'autant plus méprisables qu'elles sont cyniques et calculatrices, elles racolent le moutonnement des foules électrices et larmoyantes. L'action politique est peut être d'autant plus fautive qu'elle agit en trompe l'oeil. Pour le cas haïtien, les États-unis ont certes été présents, mais l'aide européenne était de 430 millions d'euros, soit 4 fois plus importante que la contribution américaine. Le mutisme d'Ashton et les logorrhées de Clinton sont tout aussi lamentables, avec une mention spéciale pour la première.

Lorsque l'horreur est général, lorsque la misère imbibe la condition humaine où qu'elle se trouve, l'affolement des oracles de l'opinion est infâme, les larmes de l'opinion sont innécessaires.




Photo : Markus Bollingmo, www.markusbollingmo.com